Samedi 1er octobre, débute un des festivals le plus populaire au Népal : le « Dashain ». Bien que ce festival soit hindouiste, il est fêté par tous les népalais pendant 15 jours. Ils fêtent entre autre la fin des pluies et le début des récoltes mais il est spécialement connu pour les bains de sang versés par des animaux sacrifiés (chèvres, buffles, canards, poules…) pour honorer le Dieu Durga qui a combattu et tué le mal. Ce festival est l’occasion pour les népalais de se retrouver en famille.
Cette journée-là, chaque enfant de l’orphelinat est récupéré par un membre de sa famille (grand frère, grande sœur, oncle, tante…). Moi je reste avec la famille de David, le directeur, ainsi que trois enfants que personne n’est venu récupérer. Le lendemain, nous partons en région du Chitwan (parc national de la faune et la flore) retrouver tous les membres de la famille de David.
Jour du départ, nous sommes neuf (David, sa femme, sa fille, son fils et son père, trois enfants de l’orphelinat et moi) à attendre le taxi devant la porte avec impatience. Pour neuf personnes, je me doute bien que David a pensé à appeler une camionnette ou bien un espace. Et bien la première voiture à venir nous chercher est toujours le même taxi, un suzuki aussi grand qu’un pot de yaourt. Je me dis, bon, deux petites voitures au lieu d’une grande, ce n’est pas plus mal. En voyant tout le monde se précipiter je laisse passer, j’attends le suivant.
Après cinq minutes d’organisation et de négociation avec le chauffeur de taxis, je m’aperçois que je suis le seul dehors, planté comme un piquet, avec mon sac à dos. Le chauffeur prend le sac et le met dans le coffre, je comprends qu’il n’y aura pas de deuxième taxi. Mais réfléchis Mathieu, nous ne sommes plus en France. Ici, tu mets trois personnes à l’arrière, avec chacune une sur les genoux, ça fait six. Ensuite, trois personnes se partagent le siège passager avant. Et enfin les bagages dans le coffre et sur les genoux des personnes qui sont sur les genoux des autres personnes. Logique non ? Une deuxième voiture, pour quoi faire ?
A ma plus grande surprise et celle de mes genoux, le taxi ne va pas jusqu’en région Chitwan mais jusqu’au parc de bus de Katmandou.
Encore faut- il y arriver, la voiture en plein milieu du trajet s’arrête tout à coup. Impossible de la redémarrer. Nous sommes déjà en retard pour le bus mais je suis le seul à m’inquiéter. Le chauffeur descend et ouvre le capot comme je l’aurais fait si j’étais tombé en panne avec ma voiture. Mais contrairement à moi, au lieu de sortir le portable pour appeler l’assurance, lui il trifouille le moteur et la voiture redémarre. A croire qu’il n’y a pas que dans les films que ça marche.
Etrangement, le taxi s’arrête dans une casse remplie de vieux tacos. Je me rends compte qu’en fait on est arrivé à destination. Les bus sont tous aussi anciens les uns que les autres. La place est noire de monde, et oui je vous rappelle que c’est le premier jour de festival et que chacun souhaite rentrer dans sa famille. Chaque bus est pris d’assaut. Fort heureusement, David a réservé les places avant de venir et nous pouvons rentrer dans le bus les premiers. On a chacun notre place, quel soulagement.
Bien que je sente les deux barres de fer de mon siège sous mes fesses et une dans le dos, je préfère largement ça à un taxi rempli à craquer.
Tous les sièges du bus sont remplis, nous pouvons donc partir.
Cependant des personnes continuent à monter. Ils posent leurs sacs dans l’allée centrale et s’assoient dessus. Maintenant que la rangée du milieu est pleine nous pouvons partir.
Mais au vu du chauffeur, il y a largement la place pour une dizaine de personnes en plus. Les gens de la rangée centrale se tassent et les enfants se mettent sur les genoux des adultes pour faire plus de place. Moi, j’ai une fillette de 13 ans sur les genoux, je commence à regretter le taxi, nous pouvons partir.
Toujours pas, une trentaine de personnes supplémentaires montent sur le toit avec leurs bagages, pouvons nous enfin partir ????
Attention fermeture des portes ! Enfin façon de parler bien sur. Nous voilà enfin partis dans un bus à bétail où l’on ne peut plus caser une mouche!!!!!
Je retrouve la première sensation que j’avais eue dans le taxi le premier jour de mon arrivée au Népal. Le bruit infernal du moteur qui fait vibrer tout le bus tel un marteau piqueur, le bruit des passagers (hommes, femmes, enfants, poules, chèvres et moustiques) le tout orchestré par une musique indienne tirée des grands films bollywodiens. J’ai le sourire jusqu’aux oreilles. Quel bonheur !!!
Mais ce bonheur va vite s’estomper :
Tout d’abord, avec la petite fille sur mes genoux et cette horrible barre de fer du siège, j’ai les jambes comprimées et le sang ne circule plus jusqu’à mes orteils.
Ensuite, étant donné l’horaire de départ (après le déjeuner) et l’état de la route, beaucoup de personnes sont malades pendant le trajet. Une odeur nauséabonde envahit tout le bus ce qui rend malade les autres personnes, dont, bien évidemment, la petite sur mes genoux ainsi que ma voisine. Dans ces cas là, pas question de s’arrêter : ce sont des routes de montagnes avec pleins de virages et aucun espace pour se garer. Pas question non plus de sortir la tête par la fenêtre, au risque de se faire décapiter par un autre bus qui passerait trop près. Seul moyen, prévoir une poche plastique (pour les plus prévoyants). Pour les moins prévoyants, ils se démerdent.
A vrai dire, ce n’est pas tellement l’inconfort qui m’a le plus marqué pendant ce voyage.
En chemin, nous passons à côté d’un accident qui s’est produit quelques minutes plus tôt. Une sortie de route d’un bus comme le nôtre qui a dévalé plusieurs dizaines de mètres pour finir dans la rivière en contrebas. Il est plaqué sur des rochers par le courant et il n’y a que le toit qui émerge de l’eau. J’aperçois des bagages flotter sur l’eau en aval. J’imagine, que dans des circonstances comme celle-ci, il n’y a pas eu de survivant. Les personnes qui sont arrivées avant nous sur les lieux de l’accident ont déjà appelé les secours, notre chauffeur de bus continue donc sa route.
Tout le reste du trajet, j’essaie de ne pas repenser à ces images funestes mais difficile de penser à autre chose quand tu es du côté de la fenêtre, que le bus se met à doubler les camions à tout va, que tu vois le ravin sans barrière de sécurité et que tu entends le bruit stressant du petit assistant qui tape la tôle de l’engin pour indiquer au chauffeur que ça passe sur les côtés.
Après six heures de bus, nous prenons un autre bus pour environ une heure et nous arrivons à notre première étape (chez la sœur de David) où on va passer la nuit.
Le lendemain, après un bon déjeuner népalais, nous repartons direction le parc national. Pour faire le plein de sensations, cette fois-ci, je fais le voyage sur le toit du bus. C’est génial ! ça décoiffe dans tous les sens du terme. Celui qui est tout devant prévient les autres de se baisser lorsqu’il y a un câble, branches… Et croyez que cela ne passe pas loin de nos têtes.
Nous commençons à rentrer dans la jungle. Il n’y a qu’une seule route en sentier battu au milieu d’immenses arbres et de fougères. Je ne regrette pas d’être sur le toit car j’aperçois des singes et des oiseaux exotiques (les tigres ne sont pas de sortie dommage). J’ai l’impression d’être en safari sur un dos d’éléphant tellement ça secoue.
Nous franchissons une petite rivière avec environ 1m à 1m50 d’eau. Vous pensez qu’il y a un pont ? Que nenni! Le bus la traverse sans aucun souci. Après la rivière, il y a une immense plaine de rizières parsemée de petits villages très typiques avec maisons en bois aux toits en chaume.
De chaque côté de la route, j’assiste à des scènes insolites : les enfants qui font de la balançoire construite en bambou, des femmes qui coupent le riz à la serpe, d’autre enfants qui jouent avec un pneu guidé par une baguette et courent derrière le bus…, quelle bouffée d’oxygène !
Finalement, deux jours après notre départ, soit 13 h de bus pour environ 200 km. Oui, j’ai bien dit 200km (Toulouse Bordeaux) et environ 100 KM à vol d’oiseau. Oui, j’ai bien dit 100km (Toulouse Carcassonne), nous voilà enfin arrivés chez le frère de David après 1h de marche. Il habite dans une petite maison construite en bois et en terre, loin de tout transport et de tout confort. J’appréhende mon adaptation !